Le violent incendie qui s’est déclaré lundi dans le Var « n’est toujours pas fixé et est encore susceptible d’évoluer », mais les conditions météo s’annoncent « favorables » a indiqué jeudi le commandant des opérations de secours des pompiers Loïc Lambert. « Le feu n’est pas fixé mais on compte sur les conditions du jour pour l’annoncer quand nous en serons sûrs », a ajouté le pompier depuis le poste de commandement du Luc.L’incendie n’a pas progressé dans la nuit, a poursuivi M. Lambert, précisant que « les efforts ont été concentrés sur le secteur de la Garde-Freinet et Vidauban ».
Le feu, qui s’est déclaré lundi après-midi depuis une aire d’autoroute de l’A57, au nord-est de Toulon, a brûlé plus de 6 300 hectares de forêt dans le massif des Maures et l’arrière-pays du Golfe de Saint-Tropez. Deux personnes sont décédées dans l’incendie, selon le dernier bilan. « La plupart des zones ont été explorées », a assuré le pompier, interrogé sur la possibilité de découvrir de nouvelles victimes. « Les conditions météo ont permis de passer une nuit plus calme: le vent est tombé et les températures se sont rafraîchies », a ajouté à ses côtés Dominique Lain, maire du Luc et président du Service départemental d’Incendie et de Secours. « Notre objectif est d’éliminer tous les points chauds qui pourraient permettre des reprises », a souligné l’élu.
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« Sautes de feu »
En quelques heures, elles parcourent une vingtaine de kilomètres. Une distance colossale. « La vitesse de propagation a atteint jusqu’à 8 km/h, c’est la vitesse d’un homme qui court dans les bois ! », insistent les porte-parole des pompiers. Des rafales de vent à 80 km/h, un air extrêmement sec, un thermomètre à 37 °C après quatre jours de canicule : tous les ingrédients sont réunis pour favoriser cet incendie.
Il se révèle particulièrement imprévisible, avec des « sautes de feu » de 400, 600, 800 mètres. Les poches de terrain épargnées lors du premier passage des flammes peuvent se mettre, à leur tour, à brûler lorsque le vent change de direction.
Par son ampleur et sa gravité, cet incendie rappelle celui de 2003, qui avait emprunté la même route à travers le massif des Maures, et ne s’était arrêté qu’une fois arrivé au bord de la mer. Sur l’ensemble de la saison, 20 000 hectares avaient été détruits.
Pour la grande majorité des vacanciers et des habitants ayant été évacués, l’heure n’est pas encore au retour à la tente ou à la maison. A Bormes-les-Mimosas, mercredi après-midi, des centaines de lits de camp sont toujours dépliés dans l’un des gymnases de la ville.
Jocelyne Dos Santos a quitté, lundi soir, un camping de La Môle, où elle était arrivée deux jours auparavant avec sa famille. « A 23 h 40, on nous a dit qu’on pouvait dormir sur nos deux oreilles et, à minuit, on frappait à notre porte pour nous dire de partir à toute vitesse, explique-t-elle. On a pris le minimum, les doudous des petits, et on est parti en convoi. » L’incendie n’est qu’à trois kilomètres, l’air est chargé de cendres. « Moi, j’ai eu très peur », glisse l’une de ses petites filles.
Deux décès
Une homme, qui pourrait être âgé d’une cinquantaine d’années, a été retrouvé mort, brûlé, chez à lui, à Grimaud, par un ami.
Un deuxième décès a été annoncé ce mercredi après-midi, en conférence de presse, par le préfet du Var, Evence Richard. Une jeune femme de 32 ans, en vacances dans le département.
« Le deuxième corps a été découvert calciné au même endroit que le premier, sous les décombres de l’habitation », a précisé le procureur de la République de Draguignan. Par ailleurs, cinq pompiers et 22 personnes ont été légèrement blessés, dont 19 pour des intoxications.
Venu apporter son soutien aux secours en fin d’après-midi, le président de la République Emmanuel Macron avait estimé que « les prochaines heures sont absolument décisives » pour fixer le vaste incendie et salué le « courage » des centaines de pompiers, forces de secours et élus locaux engagés dans la bataille contre les flammes.
Les autorités demandent à la population de respecter les consignes de sécurité. N’encombrez pas les routes d’accès, ne restez pas aux abords du feu pour prendre des photos ou vidéos, n’empruntez pas les axes de circulation aux abords du Golfe de Saint-Tropez pour laisser le passage aux services de secours.
Parmi ces deux victimes « il y a au moins un homme ».
Une enquête est ouverte auprès du parquet de Draguignan, qui a communiqué plus tôt dans la journée, sur la découverte d’un corps entièrement calciné à Grimaud, un village dans le massif des Maures.
Mercredi, les enquêteurs de la gendarmerie travaillaient à l’identification du cadavre, dont « aucun élément ne peut nous permettre d’indiquer s’il s’agit d’un homme ou d’une femme », a précisé le procureur Patrice Camberou. « Le logement a été entièrement détruit par le feu », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, 24 personnes ont été légèrement blessées dans cet incendie, dont cinq pompiers, a précisé le préfet.

« Catastrophe écologique »
De leur côté, les conséquences environnementales du sinistre commencent à peine à être évaluées, alors même que le feu progresse encore. Sur les quelque 5 300 hectares de la réserve naturelle nationale de la plaine des Maures, au moins la moitié est déjà partie en fumée. « C’est lunaire », rapporte Marie-Claude Serra, sa conservatrice, qui a pu se rendre sur place. « Il y avait encore quelques poches de vert mais ça continuait à brûler. C’est une catastrophe écologique », se désole-t-elle.
Cette réserve, créée en 2009, héberge 241 espèces protégées. Parmi celles-ci figure notamment la tortue d’Hermann, seule tortue de terre française. Menacée d’extinction, elle vivait autrefois sur tout le pourtour méditerranéen, de la frontière espagnole à la frontière italienne. Aujourd’hui, elle n’est plus présente que dans le Var, notamment dans la réserve, et en Corse. « C’est comme s’il n’y avait plus de rhinocéros blancs que dans une seule réserve d’Afrique et que cette réserve brûlait », insiste Marie-Claude Serra.
Au cours des prochaines semaines, les équipes de la réserve, mais aussi celles de la Station d’observation et de protection des tortues et de leurs milieux – une association créée en 1986 – ou du Conservatoire du littoral, vont prospecter le terrain pour recenser les cadavres de tortues, recueillir et soigner celles qui auront été blessées. « Les tortues d’Hermann sont présentes depuis près de deux millions d’années, note Stéphane Gagno, adjoint de direction zoologique au sein du Village des tortues, un centre de conservation. Il y en a qui vont résister à cet incendie : certaines se trouvent dans les creux des vallons, d’autres sont enterrées… Mais ce qui est problématique, c’est si les feux se répètent sur une même zone. A la fin, il n’y a plus assez d’individus pour faire repartir la population. »
Pins parasols, chênes blancs, chênes-lièges… Faire l’état des lieux des atteintes à la végétation prendra également des mois, voire des années. « Dans des conditions normales, la végétation méditerranéenne est capable d’encaisser un incendie tous les trente ou quarante ans, assure Bruno Teissier du Cros, chef de projet défense de la forêt contre les incendies à l’Office national des forêts. Mais là, les feux sont trop fréquents. La végétation n’a pas le temps de se remettre complètement. »
250 espèces protégées sont menacées par l’incendie
En effet, la réserve naturelle de la plaine des Maures abrite plus de 250 espèces protégées de faune et de flore. Comme la tortue d’Hermann ou le lézard ocellé. « Elle est, du moins était, l’un des grands espaces de biodiversité à l’échelle internationale », rappelle la conservatrice. On y trouvait notamment des plantes endémiques, c’est-à-dire qui ne poussent qu’ici : laurier-rose, gattilier, isoète de Durieu. « C’est un joyau de diversité qui part en fumée sous nos yeux. »
Entre lundi et mardi, l’incendie est passé rapidement sur la réserve naturelle. Causant des dégâts nombreux mais limités. « Dans ces incendies, que l’on appelle flash, les espèces peuvent survivre car le feu ne dure pas », assure François Fouchier, délégué régional du conservatoire du littoral en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Mais depuis mercredi 18 août, l’arrière du feu reprend de manière plus localisée avec une grande intensité. « Peu à peu, la réserve est grignotée », constate la conservatrice de la plaine des Maures. Et avec lui, les espèces menacées.
Des dizaines d’années pour retrouver le paysage
« Nous savons déjà que plusieurs tortues d’Hermann n’ont pas survécu, » poursuit Marie Claude Serra. « Dès que l’incendie sera maîtrisé, notre urgence sera d’aller les hydrater et de les amener en centre de soins. »
Côté flore, certaines variétés d’arbres, comme le chêne-liège, pourraient rapidement repousser, relativise le représentant du Conservatoire du littoral. « « En revanche, quand des arbres de 60 ans périssent. Il en faut autant pour les retrouver à l’identique. »
Car, au-delà de la biodiversité, c’est aussi le paysage qui va radicalement changer. « C’est une grosse perte pour le public. Ce panorama a mis plusieurs décennies pour se constituer », se désole François Fouchier.
Et il pourrait bien mettre plusieurs dizaines d’années pour retrouver sa superbe. « Avec la récurrence des incendies, la nature n’a plus la même capacité à se régénérer », se désole Marie Claude Serra. Mais déjà la conservatrice de la réserve naturelle voit au-delà de cette catastrophe. « C’est une grande tristesse, mais nous allons nous montrer aussi résilients que la nature. » Et lui permettre, à terme, de se rétablir.
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